L'antienne d'ouverture du jour dit la chose suivante : « Avec des cris de joie, répandez la nouvelle, portez-la jusqu'aux extrémités de la terre, le Seigneur a libéré son peuple. Alléluia ! » (Is 48, 20)
Cette antienne donne la tonalité à la liturgie du jour, qui est une tonalité joyeuse. Joyeuse parce que le Christ nous a libérés par sa mort et sa résurrection. Et plus encore, nous sommes dans la joie parce que le Christ s’en va vers son Père pour nous y préparer une place.
Les disciples pourraient être tristes de cela. Et aux paroles de Jésus, il semble qu’ils l’ont été. Le maître va disparaître à leurs yeux. Or Jésus leur dit : « Si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père. »
Il y a là une indication sur ce qui doit faire notre joie. Ce n’est pas d’avoir pour nous, pas même d’avoir le Christ pour nous. La joie du disciple, c’est celle de suivre le Christ là où il nous amène. Et cela demande pour nous comme pour les disciples une réelle purification de notre âme à ne pas posséder l'amour, mais à accepter d'entrer dans sa dynamique. Or cette dynamique de l’amour n’est pas d'avoir pour moi. C’est une dynamique de don de soi en m’abandonnant sur le chemin que le Christ me montre.
Ainsi dit Benoît XVI dans son Testament Spirituel : « Être chrétien est un cheminement, ou mieux un pèlerinage, une marche avec Jésus-Christ. Une marche dans cette direction qu'il nous a indiquée et continue de nous indiquer. » C’est la première des joies du chrétien, celle de marcher avec le Christ, de converser avec lui comme on le fait avec un ami. Joie de la communion.
La deuxième joie du disciple, c’est le lieu où nous allons. « Quelle joie quand on m'a dit : « Nous irons à la maison du Seigneur ! » (Ps 121) Jésus nous mène vers son Père, il retourne vers son Père pour nous y préparer une place et c'est là que nous allons. Et comme le dit encore Benoît XVI : « Voilà la véritable destination et la communion avec lui en est le chemin. La communion avec lui est un être en chemin, une ascension permanente vers la véritable hauteur de notre appel. »
Nous ne pouvons allez au ciel que dans la mesure où nous sommes unis au Christ Jésus, en communion avec lui. Nous expérimentons alors la joie d’être guidés par le Christ. Parfois on s’imagine qu’on peut y arriver par nos propres forces, en faisant nos petits ou nos grands efforts, au mieux un peu aidés par Jésus. Jésus n’est pas seulement une aide sur notre chemin, il est le chemin. Quelle joie là aussi de savoir que notre sainteté ne dépend pas de nous. Ce serait d’une telle fragilité !
Nous avons un chemin déjà tracé à emprunter. C’est mieux que de faire de l’azimut et de devoir débroussailler nous-même au milieu d’une jungle où nous ne pouvons que nous perdre. Cela nous demande juste de savoir nous réjouir de suivre un chemin tracé par un autre, d’être guidé par lui dans la confiance.
Il y a une autre source de joie dans notre chemin que les routiers connaissent bien aussi : la fraternité dans laquelle nous plonge la suite du Christ. Benoît XVI continue : « La marche avec Jésus est simultanément une marche dans le nous de ceux qui veulent le suivre. Il nous introduit dans cette communauté. Puisque le chemin jusqu'à la vie véritable, jusqu'à être des hommes conformes au modèle du Fils de Dieu Jésus-Christ, dépasse nos propres forces, ce cheminement fait aussi que nous sommes portés. Nous nous trouvons pour ainsi dire dans une cordée avec Jésus-Christ. Unis à lui dans la montée vers les hauteurs divines, il nous tire et nous soutient. Que nous nous laissions intégrer dans une telle cordée fait partie de la suite du Christ. Que nous acceptions de ne pas pouvoir faire cette ascension seul également. Cet acte d'humilité, qu'est l'entrée dans le nous de l'Église, fait également partie de cette suite du Christ. »
Suivre le Christ c’est ainsi accepter que le ressuscité me conduise vers le Royaume de Dieu. C’est accepter de prendre son chemin et non pas le mien. C’est accueillir des frères qui sont un soutient. C’est la grande joie que donne l’humilité, de nous laisser purifier par le Christ et par nos frères pour entrer dans le Royaume de l’amour qui n’ouvre ses portes qu’à ceux qui se donnent comme le Christ pour le salut du monde.