Même si Dieu est miséricorde et qu’il veut sauver tous les hommes, on n’ira pas tous au paradis. « Beaucoup chercherons à y entrer et n’y parviendront pas. »
Jésus ne dit pas cela pour nous effrayer, même s’il est vrai que c’est effrayant. Imaginez-vous : une éternité de souffrances, privés de la présence de Dieu et sans Amour, enfermés dans la haine de Dieu, dans la haine de soi-même et dans la haine des autres. C’est abyssal ! Et il n’est pas inutile de contempler cette réalité de temps en temps.
C’est effrayant mais le but n’est pas d’avoir peur. Jésus n’aime pas faire peur. Il commande même à ses disciples de n’avoir pas peur.
En revanche Jésus montre le chemin vers le Royaume de l’Amour et il nous dit comment y entrer. Il nous montre la beauté du Royaume sans nous cacher qu’il faut s’efforcer pour pouvoir y entrer. Il ne suffit pas de chercher, il faut s’évertuer et se donner du mal : « Celui qui ne prend pas sa croix, n’est pas digne de moi. » L’accomplissement des commandements ne va pas de soi ; ce n’est pas facile d’y rester fidèle et cela demande un réel effort.
Non seulement il faut de la bonne volonté, mais il faut aussi pratiquer la justice si on ne veut pas s’entendre dire : « Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi vous qui commettez l’injustice. »
Bien entendu nous comptons sur la miséricorde de Dieu, mais cette miséricorde n’est pas l’effacement de nos fautes d’un coup de baguette magique. C’est la transformation de notre cœur par la grâce. Cette transformation ne peut pas se faire sans notre collaboration. Il n’y a pas de miséricorde si nous n’acceptons pas d’être pardonnés et si nous n’acceptons pas de laisser la grâce nous changer. Lorsque dans l’Évangile Jésus pardonne à la femme adultère, il lui dit : « Va et ne pêche plus. » Oh ! Que c’est difficile d’accepter qu’on est pécheur mais plus encore de croire fermement que Dieu peut nous restaurer et nous donner la force de prendre un nouveau chemin. Que c’est difficile d’arrêter de compter sur notre propre justice et sur notre capacité à faire le bien pour laisser Dieu agir en nous !
Dans son livre « L’autobus du Paradis », C.S. Lewis décrit plusieurs personnages en route vers le paradis mais qui doivent accepter ce changement en eux. Dans cette fiction, ils n’ont pas d’actions à changer mais simplement leur attitude intérieure. On assiste à travers les yeux du narrateur à un vrai combat entre celui qui avance vers le Royaume et un être de lumière qui lui est envoyé pour l’aider à faire le passage.
Parmi les personnages, il y en a un qui était chef d’entreprise. Il est assisté par un de ses employés envoyé du paradis pour l’aider à faire le passage. Cet homme avait à l’époque commis un meurtre dans l’entreprise.
Notre homme s’imagine qu’il n’a pas besoin d’aide, ni de Dieu et encore moins d’un meurtrier :
- « Regarde-moi bien. J'ai marché droit toute ma vie. Je ne dis pas que j'ai été un homme religieux. Je ne dis pas non plus que j'ai été parfait. J'en suis loin. Mais j'ai fait de mon mieux toute ma vie. Tu m'entends ? J'ai fait de mon mieux avec chacun. Voilà qui j’étais moi. Je n'ai jamais réclamé que mon dû. [...] Et je n'ai pas peur de le dire. [...] Je te dis seulement quelle sorte d'homme je suis. Je ne réclame pas autre chose que mon dû. »
Au fur et à mesure d’un dialogue infernal, l’homme s’endurcit de plus en plus refusant de recevoir des leçons d’un assassin et exigeant qu’on lui donne la place qu’il mérite. Il n’entrera pas malgré les efforts pleins de charité de son ancien salarié pour lui montrer le chemin de l’humilité. Il ne fallait à cet homme pas grand-chose pour obtenir le paradis. Il fallait simplement qu’il accepte de le recevoir non pas comme un dû ou une récompense mais comme un don gratuit de l’amour de Dieu.
Et elle est peut-être là la porte étroite dont parle Jésus et par laquelle il faut s’efforcer d’entrer. C’est la justice, mais la justice de Dieu qui nous justifie. Nous aimerions soit entrer sans efforts nous voilant la face en imaginant qu’on ira tous au paradis quoiqu’on fasse, soit entrer par nous même avec une conscience droite qui ne nous reproche rien. Mais ce n’est pas suffisant : « Ma conscience ne me reproche rien, [dit saint Paul aux Corinthiens] mais ce n’est pas pour cela que je suis juste : celui qui me soumet au jugement, c’est le Seigneur. » (1Co 4, 4)
Nous devons nous efforcer à faire le bien et à éviter le mal bien entendu, mais le paradis n’est pas rempli que de gens qui ont été parfaits dans cette vie. Il y a des meurtriers là-haut, à commencer par le bon larron. Cependant il n’y a personne qui se soit sauvé lui-même. Il n’y a là-haut que des Hommes qui ont accepté avec humilité d’être transformés jusqu’au plus profond de leur manière de penser et de faire par la grâce du Christ.