L’eucharistie : voir, percevoir et concevoir
Chers frères et sœurs,
En ce soir béni, alors que nous nous rassemblons en groupe de prière, je vous propose de plonger dans le grand mystère de l’Eucharistie, selon trois mouvements intérieurs : voir, percevoir, concevoir. Trois attitudes du cœur et de l’esprit pour accueillir le don ineffable du Seigneur, en préparation au temps d’adoration eucharistique qui suivra.
1. Voir : Le mystère rendu visible
L’Eucharistie est un mystère visible. Elle est là, devant nous. Et pourtant, elle demeure voilée. Le pain consacré que nous voyons n’est pas simplement du pain. Ce que nous voyons est signe et réalité tout à la fois. Le mystère de Dieu se rend présent dans le visible, mais se cache aussi dans ce même visible.
C’est le principe du voile : il cache et révèle à la fois. Comme le Saint des Saints était voilé dans le Temple, et pourtant habité de la présence divine, ainsi le Saint Sacrement se présente à nos yeux : voilé dans l'apparence du pain, mais habité du Christ réellement présent.
Adorer l’Eucharistie, c’est se tenir présent à la Présence réelle. C’est être là, humblement, pauvrement parfois, mais totalement, pour regarder Celui qui nous regarde. Comme le disait le saint Curé d'Ars : « Je Le regarde, et Il me regarde. »
Cette adoration nourrit en nous le désir de Le recevoir, elle fait grandir la faim de l’accueillir dans notre vie.
2. Percevoir : Voir avec la foi
Voir ne suffit pas. Il faut percevoir. C’est-à-dire voir au-delà de ce qui est visible. Là commence l’action de la foi, qui "perce", qui transperce, qui ouvre notre intelligence à la vérité invisible.
« Ce que vous ne pouvez ni voir ni comprendre, ce qui s'élève au-dessus de l'ordre de la nature, une foi vive vous le persuade fortement. » (Lauda Sion)
Notre foi s'appuie sur une Parole. Non sur une image, ni une symbolique, mais sur une déclaration. « Ceci est mon corps ». Pas : « Ceci représente mon corps ». Le fondement de notre foi eucharistique, c’est la parole même de Jésus. Or, Dieu ne ment pas. Et sa parole crée ce qu’elle dit.
Comme le dit saint Thomas d’Aquin dans le Pange Lingua :
« Le Verbe fait chair, par son verbe, fait de sa chair le vrai pain ; le sang du Christ devient boisson ; nos sens étant limités, c'est la foi seule qui suffit pour affermir les cœurs sincères. »
Quel miracle plus grand que celui de l’Eucharistie ? Transformer une nature, non pas pour la guérir, mais pour la changer. Il est plus extraordinaire de faire du pain le corps du Christ que de rendre la santé à un corps. Et pourtant, cela nous est offert à chaque messe, avec une telle discrétion, une telle habitude, que nous risquons de passer à côté du prodige.
3. Concevoir : L’Eucharistie, nourriture divine
« Prenez et mangez ». Ce sont les premières paroles que Jésus adresse en livrant son corps. L’Eucharistie est faite pour être reçue, pour être mangée, pour nourrir.
« Voici le pain des Anges devenu la nourriture des hommes voyageurs ici-bas, le vrai pain des enfants qui ne doit pas être jeté aux chiens. » (Lauda Sion)
Mais quelle nourriture étrange ! Dans toutes les nourritures terrestres, ce que nous mangeons est transformé en nous. Mais dans l’Eucharistie, c’est nous qui sommes transformés par ce que nous recevons.
Concevoir, c’est aussi accueillir la vie. Le verbe signifie à la fois recevoir un enfant et former une idée. L’Eucharistie unit ces deux aspects : nous recevons Jésus dans notre chair pour que notre esprit le conçoive. Nous devenons en quelque sorte des tabernacles vivants, comme Marie à l’Annonciation. Nous portons en nous le Christ, pas selon la chair comme Elle, mais selon la présence sacramentelle.
« Ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. » (Galates 2, 20)
La grâce propre de l’Eucharistie, c’est de nourrir le corps du Christ. Et ce corps, c’est l’Eglise. En communiant, nous devenons unis les uns aux autres, et nous faisons croître l’unité du Peuple de Dieu.
Conclusion : Entrez dans la foi eucharistique
Chers frères et sœurs, en quelques instants, nous allons nous placer devant le Saint-Sacrement. Que ce temps d’adoration soit un véritable exercice de notre foi.
Apprenons à voir le mystère rendu présent. Apprenons à percevoir au-delà des signes, à reconnaître l’Agneau de Dieu caché sous les apparences. Et surtout, apprenons à concevoir en nous le Christ, à Le recevoir pour qu’Il nous transforme.
Comme le dit saint Augustin :
« Soyez ce que vous voyez, et recevez ce que vous êtes : le Corps du Christ. »
Amen. Entrons maintenant dans le silence, dans l’amour, dans l’adoration… Devant Celui qui est là, qui nous regarde, qui nous attend, qui se donne. Le Seigneur Jésus, Hostie vivante et vivifiante. Que notre foi devienne louange, que notre regard devienne amour, que notre âme conçoive la vie de Dieu.
Amen. Alléluia.